SAINT-JEAN-D’ANGÉLY
MOULINS – Le moulin à poudre du faubourg Taillebourg était le dernier en aval sur la Boutonne. Il a ensuite fabriqué de la farine avant de s’arrêter en 1963
» B. M.
Le Moulin vu du pont Saint-Jacques. PHOTO 6228
Un important trafic existait autrefois à partir du fleuve Charente, en direction de la Nouvelle France. L’activité existait notamment au départ de Saint-Jean-d’Angély, grâce à la Boutonne rendue navigable jusqu’à Rochefort. On expédiait notamment la poudre fabriquée au moulin du faubourg Taillebourg, qui allait servir à libérer le Québec. En sens inverse, on importait du bois et des goudrons.
Les traces patrimoniales et le rapport entre la Nouvelle France et la Charente sont entretenus dans des lieux de mémoire, tel l’emblématique arsenal de Rochefort ou bien, depuis 2003, par l’association la « Route des tonneaux et des canons », par l’Institut du fleuve Charente, ou bien encore par le jumelage avec la rivière Richelieu au Québec en 2007…
Le soleil du matin met la prise de vue dans l’ombre. A refaire un après-midi. PHOTO 9941
A Saint-Jean-d’Angély, la poudrerie royale du faubourg Taillebourg a explosé le 25 mai 1818, faisant plusieurs morts et de nombreux blessés dans les deux dépôts, causant des dommages dans le faubourg et probablement au moulin à poudre situé en face. Le maire de l’époque, De Serigny De Luret, publiera d’ailleurs des remerciements aux habitants, venus secourir les militaires atteints par ce malheur.
Le moulin à poudre, situé sur une dérivation de la Boutonne (dite la "rivière du moulin à poudre") au 129-131, faubourg Taillebourg, va alors cesser son activité, laquelle sera transférée à Angoulême. On y fabriquait de la poudre, par écrasement de charbon de bois, de salpêtre et de soufre. C’était un des deux plus gros moulins de la Boutonne (car il comportait trois roues), sur les 220 environ qui ont été recensés.
Cette « usine » (le propriétaire s’appelle un usinier) reçoit les eaux du moulin de Bellet (2 750 m en amont), les eaux perdues du barrage de la Traverse et du canal Saint-Eutrope. En aval du moulin de Bellet, les eaux se partagent rive droite vers le moulin de Puychérand et rive gauche vers le moulin à poudre. Les eaux sont ensuite rejetées dans la Boutonne qui devient domaniale après le pont Saint-Jacques.
La roue extérieure était la plus importante de tous les moulins de la Boutonne. PHOTO 9908
Après l’explosion, le moulin sert à moudre du grain et change plusieurs fois de mains : Texier et Guesdon en 1855 ; Wels qui possédait le château de la Garousserie, l’ensemble du moulin et ses dépendances et produisait aussi de l’électricité pour le château avec une turbine située 50 mètre en amont du moulin, rive droite du bief, par une prise d’eau située ans le même bief et profitant du même droit d’eau ; Angevin en 1954 ; Marot, dont le fils fut happé en 1963 par la manche de sa veste par une poulie et décéda subitement dans le moulin à farine (ce qui causera l’arrêt du moulin) ; la société de récupération des frères Sampietro en 1966. Tout le matériel de minoterie a alors été quasiment démonté pour la ferraille. Seule subsiste la grande roue extérieure, la plus importante de tous les moulins de la Boutonne, bloquée depuis l’arrêt voici un demi-siècle, qui est visible depuis le pont Saint-Jacques, ainsi que quelques pignons et roues aux dents en acacia et bronze, à l’intérieur du moulin.
Quand un pignon comportait des dents en bronze, l’autre avait des dents en acacia. PHOTO 9912
Les vannes et déversoirs du bief sont maintenus en bon état par le propriétaire actuel, Claude Swichocka-Léonard, qui explique : « Nous ne pouvons pas ouvrir pour les journées du patrimoine meulier (15 mai 2011), car je suis là depuis quatre ans seulement et rien n'est encore rénové. Tout est à faire. Ce n'est pas simple du tout car la configuration aussi est particulière ».
De fait, à 50 m en amont du moulin, rive droite du bief, subsiste toujours une prise d’eau qui alimente une turbine dont le propriétaire est M Merle, sa propriété séparant le moulin des écluses qu’il faut aller manœuvrer pour respecter les hauteurs d’eau à maintenir. « Il faut donc traverser son jardin pour accéder aux vannes. Actuellement nous avons conclu un accord oral pour qu’il puisse les manœuvrer. Mais cela resterait un problème pour faire visiter l’ensemble des installations, écluses et déversoirs ».
Effectivement, cela poserait un problème pour les visites. Je remercie les deux propriétaires qui ont permis de visiter l’ensemble du moilin, des prises d'eau et des écluses-déversoirs, en passant d’une propriété à l’autre.
Bernard Maingot
On voit, en partie droite du plan, l’eau arrivant du bief et allant alimenter plusieurs roues (à droite et à gauche du >). Le bras d’eau qui descendait vers la partie inférieure du plan a été bouché par M Sampietro après 1966.
Le message du maire aux habitants de Saint-Jean-d’Angély, après l’explosion du 15 mai 1818
Vu sur Moulins de France : Les Moulins de la Boutonne, de Jean Baillarguet
Malheureusement, je ne possède pas ce livre, dont l’édition est épuisée.
Dans son livre, Jean Baillarguet rappelle qu’en 1813, le Ministère de la Guerre avait ordonné à tous les usiniers et riverains de la Boutonne, depuis sa source en Deux-Sèvres et jusqu’à Saint-Jean-d’Angély, l’interdiction d’irriguer leurs prairies afin que l’eau parvienne, sans être ralentie et en quantité suffisante, pour assurer la bonne marche du moulin à poudre, lequel, actuellement doit satisfaire une importante commande de l’armée espagnole.
Lire La Nouvelle République du 11 mai 2011 : La résistance des moulins de la Boutonne